Diversité génétique chez les cafards
Les deux espèces de cafards domestiques, la blatte germanique (Blattella germanica) et la blatte orientale (Blatta orientalis), appartiennent contre toute attente à des familles de blattidés différentes et la première constitue même une branche sans aucun lien avec les cinq autres existant au monde, selon les conclusions d'une étude réalisée par des chercheurs de l'Institut Vavrilov de Génétique, à Moscou.Quelque 4 000 espèces de cafards (terme qui désigne plus précisément les blattes adultes) ont été décrites à ce jour, dont seule une minorité, tient compagnie à l'espèce humaine. Les généticiens de l'Institut Vavrilov, dirigés par Irina Lazebnaïa, ont voulu démêler la complexité taxinomique de ces insectes de l'ordre des dictoptères. Parmi les espèces sélectionnées figuraient le cafard américain, la blatte cendrée africaine ainsi que les deux espèces "domestiques".
Dossier BIOsciences N°17,
(Novembre - Janvier 2004)
Bushi, rumsfeldi, cheneyi... Chaque année, 15 000 espèces sont découvertes et baptisées en toute liberté. Des chercheurs proposent de créer le premier registre d'état civil des animaux, ZooBank.
Ce mardi-là, George Bush a pris le téléphone et a chaleureusement remercié l'entomologiste Quentin Wheeler de lui avoir dédié un scarabée mangeur de «moisissure gluante» (slime-mold, dans le texte). C'était il y a un an, en avril, le 26 précisément, et non le 1er comme on pourrait le penser. La conversation était aussi sérieuse que l'hommage du scientifique au chef d'Etat était sincère. Républicain et professeur à l'université Cornell, Wheeler venait d'achever un vaste examen des collections d'insectes nord-américains, au terme duquel il avait annoncé, dans l'austère Bulletin du Muséum américain d'histoire naturelle, la découverte de 65 espèces appartenant au genre Agathidium. A trois d'entre elles, il avait donné les noms, respectivement, du président américain, de son vice-président et de son secrétaire à la Défense, «des hommes qui ont le courage de leurs idées», devait-il expliquer à la presse. Ainsi, Bush, Cheney et Rumsfeld entraient au panthéon de la zoologie, sur les élytres d'Agathidium bushi, crapahutant au sud de l'Ohio, et Agathidium cheneyi et Agathidium rumsfeldi, tous deux résidant au Mexique...
Une gloire, en effet, puisqu'il est dans la tradition naturaliste de nommer une nouvelle espèce, qu'elle soit rose ou puceron, d'après son souverain ou mécène. «Peu importe l'esthétique du spécimen, précise Philippe Bouchet, professeur au département Systématique et Evolution au Muséum national d'histoire naturelle à Paris. Pour un naturaliste, toutes les espèces sont précieuses, et leur découverte, une victoire.» Ainsi Victoria est-elle, outre une reine, un pigeon ; Roosevelt, un élan, et Rothschild, une girafe. Que l'Amérique républicaine, si peu soucieuse du réchauffement climatique, soit célébrée à jamais par d'honnêtes coléoptères, voilà qui a agacé bien des dents d'écologistes politiques et scientifiques. L'affaire a cependant eu le mérite d'attirer l'attention sur la foire aux noms d'espèces dans laquelle se démène la taxonomie zoologique, au risque d'y perdre son latin, et éventuellement son âme.
(... ... ...) ZooBank pour mettre de l'ordre
«Sur les 14 000 espèces animales qu'on estime nommées chaque année, la moitié sont des insectes», souligne Simon Coppard, de l'ICZN. Or, rien qu'en entomologie, on dénombre 1 100 journaux susceptibles de publier la description d'une nouvelle espèce. Sans compter la «déferlante de e-publications», relève Philippe Bouchet, et les comptes rendus de congrès qui font l'objet de livres. Difficile de suivre l'actualité des découvertes dans ces conditions, d'autant plus que «50 % d'entre elles, pour les insectes, sont le fait de naturalistes amateurs». Résultat, personne ne peut répondre à cette question simple : combien d'espèces vivantes ou ayant vécu (dinosaures compris) connaît-on ?
L'ICZN a donc proposé une solution, simple, publiée dans la revue Nature (1) : créer, d'ici deux ans, ZooBank, une base de données où les zoologistes enregistreront gratuitement les noms de leurs découvertes et la décriront selon un formulaire normalisé. En accès libre, en ligne, et en réseau avec les bases documentaires zoologiques existantes, ZooBank contribuera «à faire de la taxonomie animale une science vraiment moderne», selon Andrew Polaszek, qui estime que «l'avenir» d'une telle base est au travail pionnier de «géolocalisation d'espèces» réalisé par l'entomologiste américain Brian Fisher en association avec Google Earth : sur le site du chercheur, on suit la répartition mondiale de diverses espèces de fourmis, et notamment celle de sa dernière découverte. Il l'a baptisée, très naturellement, Proceratium google.
Corinne Bensimon, Libération
(1) Nature du 22 septembre 2005.
(27 Mai 2006)