COMPORTEMENTS SOCIAUX, par J.Jacques Peres

 

Voici une synthèse de differents comportements sociaux chez les Amphibiens - il en existe certainement d'autres, tout aussi extraordinaires-.

Construction et défense du «nid»

Les « nids » que construisent certaines espèces d'Amphibiens ne sont pas, semble-t-il, l'oeuvre commune du couple mais seulement de l'un des partenaires. Les cavités souterraines où sont déposés les oeufs sont creusées et aménagées la plupart du temps avant que mâles et femelles ne se rencontrent, chez quelques espèces le couple s'enfonce dans la terre meuble pour pondre, le mâle reste passivement sur le dos de la femelle pendant toute l'opération.

Des Leptodactylidés et des Rhacophoridés fabriquent un nid d'écume pour leur progéniture: ils incluent leurs oeufs dans une masse gélatineuse que la femelle ou les deux parents battent de leurs pattes postérieures.

Chez les Phyllomedusa qui n'ont pas de ponte écumeuse, la coopération des parents consiste à rabattre les bords de la feuille sur laquelle ont été déposés les oeufs.

Les mâles des Hyla du groupe boans construisent des nids en forme de cratère, ceux de l'Hyla faber y attendent les femelles et les défendent contre d'autres mâles; les antagonistes s'empoignent et s'enfoncent mutuellement leurs prépollex tranchants dans la peau.

Dominance et hiérarchie sociale

Il existe une hiérarchie sociale chez certains amphibiens.

Les chants de certains Anoures lors de rassemblements de reproduction sont organisés:

ceux de Physaluemus pustulosus par exemple, ont un leader qui commence la plupart des séquences et remporte le plus de succès auprès des femelles.

En dehors de la période sexuelle, beaucoup d'Amphibiens tolèrent des congénères dans leur voisinage et ne leur manifestent aucune hostilité. On a cependant signalé que des phénomènes de dominance pouvaient apparaître chez des Bufo marinus rassemblés autour d'une source habituelle de nourriture :

les plus petits se tenaient à l'écart lorsque les plus grands s'alimentaient.

On a remarqué dans un élevage de Xenopus laëvis femelles que les individus les plus agressifs mangeaient davantage que les autres.

Des comportements de combat par "coups de langue" ont été décrits chez Bufo bufo.

Ces réactions se manifestent en captivité dans le cadre d'une chasse pour une proie et engendrent peu à peu des phénomènes de dominance. Devant une proie, deux Crapauds sont légèrement dressés sur leurs pattes, la tête basse et tendue en avant, à distance de coups de langue. Celui qui a capturé la proie se redresse aussitôt après, recule parfois un peu, « s'asseoit », et reste immobile en regardant droit devant lui, le rival se redresse après quelques secondes, tourne la tête, et parfois tout le corps, vers son congénère, il baisse alors la tête et paraît le regarder par en dessous.

Cette attitude d'agressivité dure 15 à 20 sec. Elle est parfois prolongée ou remplacée par un coup de langue qui est lancé quelques secondes après la préhension de la proie, sur la bouche, la tête ou la partie supérieure du dos du congénère. Un deuxième coup de langue est donné quelques secondes après le premier. La plupart du temps, l'agressé reste immobile après avoir reçu un coup de langue; s'il est dominé, il a le corps aplati, la tête et le corps légèrement inclinés vers l'adversaire, les yeux parfois fermés; s'il n'est pas dominé, il relève la tête et fait face à son adversaire, très rarement, il envoie un coup de langue 5 à 30 sec après en avoir reçu un. Suivant l'écart de taille entre les antagonistes, le phénomène de dominance met plus ou moins longtemps à s'instaurer, le rapport des forces est toujours observé et peut aller jusqu'à un refus total de nourriture de la part du dominé.

 

COMPORTEMENTS SOCIAUX, par J.Jacques Peres.

- TETARDS -

Hyperolius concolor

     Xenopus Laëvis

Soins à la progéniture

Les soins aux jeunes sont encore des comportements où des individus réagissent les uns par rapport aux autres; des interactions existent entre congénères mais, ici, ils ne sont pas de la même génération.

La garde des oeufs, elle, n'est pas l'expression de rapports entre individus mais d'un comportement parental encore que, chez les Amphibiens où les oeufs ne sont pas opaques, les parents réagissent principalement aux mouvements des larves. La surveillance de la ponte existe chez la plupart des Amphibiens à ponte sur ou dans le sol et chez plusieurs espèces à ponte aérienne (ex : les Centrolénidés, et les Dendrobatidés), elle répond à trois objectifs principaux: la défense vis-à-vis des prédateurs, le maintien d'un taux d'humidité adéquat et une action fongicide.

Les Gymnophiones qui s'enroulent autour de leurs oeufs, les Chiromantis sp. qui enserrent leur nid d'écume entre leurs pattes, les Eleutherodactylus sp.qui se plaquent sur leur ponte déposée dans des fissures de rocher, et les E. caryophyllaceus qui la couvent sur une feuille d'arbre évitent une déshydratation mortelle à leur progéniture. Il en est de même pour Plethodontohyla tuberata qui arrose ses têtards, logés au fond de son terrier, en vidant dessus son cloaque rempli d'eau. Le déversement du contenu cloacal ou de l'urine sur les oeufs empêcherait aussi leur contamination par les champignons.

Les sécrétions cutanées d'un parent, comme chez Platyhyla grandis, assurent une protection encore plus efficace contre ces parasites.

La femelle secrète un produit fongicide.

La femelle de Desmognathus ochrophaeus Cope évite l'invasion des champignons sur la ponte en mangeant les oeufs morts. La présence de la mère auprès des oeufs, chez cette espèce, dissuade aussi des prédateurs tels que congénères et Coléoptères. L'oophagie est inhibée temporairement chez la mère, qui peut cependant consommer ses oeufs vivants si elle est très perturbée.

La garde des oeufs n'est pas toujours assurée passivement.

Si, chez Andrias japonicus la présence du père auprès du cordon d'oeufs constitue à elle seule une défense efficace contre des prédateurs, chez Holoaden hradei, le parent, qui est plus petit, est plus agressif: il se dresse sur ses pattes et "siffle" s'il est dérangé.

La femelle de Leptodactylus ocellatus qui est installée au milieu de son nid d'écume flottant, attaque les Oiseaux qui approchent, Hyperolius obstetricans, qui se tient pendant la journée à proximité de sa ponte et se place dessus durant la nuit, ne se contente pas seulement de la surveiller ou d'éviter sa dessiccation, elle effectue aussi des mouvements de ratissage qui aident peut-être les jeunes larves à se libérer de la gelée.

Les soins à la progéniture ne cessent pas forcément à l'éclosion.

Chez Desmognathus ochrophaeus, la mère, qui sort en fouissant de son lieu de ponte après la naissance de ses jeunes, leur ouvre le chemin car ils ne sont pas encore capables de creuser.

L'exemple le plus spectaculaire de soins aux têtards est celui de la femelle de Leptodactylus ocellatus: la mère, qui a gardé son nid d'écume, reste après l'éclosion avec ses têtards qui sont grégaires, elle accompagne son troupeau d'environ 2 000 larves dans ses déplacements et le défend contre des Oiseaux.

Le bruit des têtards dans l'eau ( un sifflement aigu, très curieux ) alerte la mère.

Chez deux espèces de Microhylidae, le père transporte ses petites grenouilles sur son dos. (...)

 

De nombreuses espèces d'Anoures ont des têtards grégaires à différentes phases de leur développement.

Il existe des groupements alimentaires et des groupements de métamorphoses.

On emploie aussi les termes « d'agrégats associaux » lorsque les animaux sont attirés par des conditions de milieu favorables (nourriture, température, etc...). Il s'agit de foules, comme l'ont montré les auteurs français.

En revanche, les rassemblements sociaux résultent de l'interattraction mutuelle des têtards.

Plusieurs types :

Le type Xenopus dans lequel les têtards, formant un groupe, maintiennent entre eux une distance minimale. Les contacts sont pratiquement inexistants et les individus conservent une position oblique, la tête dirigée vers le bas, grâce à des battements continuels de l'extrémité caudale. On retrouve un tel comportement chez certains Microhylidés et Hylidés.

Le type Bufo consiste en la formation de groupes denses comprenant plusieurs centaines de têtards. Ces agrégats se déplacent à la surface de leur biotope ou au voisinage du fond, à la manière d'une amibe c'est-à-dire en émettant des pseudopodes. De nombreuses espèces de Bufonidés (Bufo hufo, B. marinus. B. americanus) présentent cette particularité.

Chez Bufo bufo, la cohésion du groupe peut être annulée lorsqu'un ou plusieurs congénères sont blessés.

Les têtards quittent alors le groupe et fuient en tous sens. La réaction est positive, même avec des broyats de peau, ce qui montre une bonne perception des stimulis d'origine chimique.

D'autres espèces d'Anoures présentent un certain comportement social; parmi celles-ci les têtards de Scaphiopus holhroocki se rassemblent lorsque les mares temporaires sont en voie d'assèchement et ils se nourrissent alors de plancton en suspension.

Chez Osteocephalus taurinus, les animaux groupés en une masse sphérique ou ovoïde maintiennent le contact avec les congénères lorsqu'ils se déplacent. Ainsi les têtards situés à l'arrière nagent activement vers l'avant en passant sous le groupe. Le processus se poursuit de telle sorte que l'ensemble progresse régulièrement à la surface de l'eau un peu comme une balle roulant sur le sol. Lorsque le groupe est perturbé, les têtards se dispersent aussitôt mais ils se regroupent rapidement dès que les conditions le permettent. Les stimulis d'origine tactile seraient le principal facteur responsable de la cohésion du groupe.

On retrouve des faits un peu similaires chez Rhinophrynus dorsalis.

 

Milieux...

Il y a plusieurs types d'adaptation.

Les têtards torrenticoles; vivant dans les torrents de montagne, présentent un aplatissement dorso-ventral de la tête et du corps.

Les yeux occupent alors une position dorsale. La face ventrale des têtards est plane et la queue, fortement musclée à la base, possède une crête dorsale peu développée. Ces animaux se fixent le plus souvent sur les rochers afin de ne pas être entraînés par le courant.

La fixation peut s'effectuer de différentes manières :

- par des expansions charnues jouant le rôle de ventouse et situées en arrière de la bouche (Ascaphus truei, Litoria arfukiuna, Atelopus sp.)

- par la bouche elle-même dont le nombre de rangées de dents s'est accru (Astylosternus occidentulis, Trichohutrachus robustus).

Lorsqu'il se déplacent, les têtards progressent généralement par « bonds » successifs; ils s'aident alors de leur queue musclée qui les propulse vers l'avant.

Dans d'autres cas, tels Astylosternus corrugatus, les individus vivent sous les pierres; la forte musculature de la queue leur permet de se glisser entre les rochers à la manière de poissons.

Les têtards de surface; adaptés à une vie dans les eaux calmes, montrent un développement plus ou moins grand des lèvres buccales qui prennent une forme foliacée.

On rencontre ces têtards dans des espèces appartenant à des familles variées telles que Microhylidés, Hylidés. Pelobatidés, Dendrobatidés.

Ainsi les têtards de Microhyla achatina sont disposés plus ou moins obliquement par rapport à la surface de l'eau; chez ces derniers, l'entonnoir buccal peut même se replier lorsque l'animal plonge.

Chez Hylambates, les têtards ont la tête qui se maintient au dessus grâce aux vibrations de l'extrémité caudale. Dans le cas d'un Leptodactylodon les têtards étalent leur collerette buccale en surface lorsqu'ils sont placés dans l'eau trouble mais, ce comportement correspond à des échanges respiratoires avec l'air.

Les têtards de fond; la plupart des espèces qui fréquentent les eaux stagnantes ou peu agitées possèdent des têtards phytophages ou détritophages.

Munis d'un bec corné et de dents labiales, ils broutent la végétation aquatique située sur le fond du biotope.

Ce type de têtard possède généralement une tête et un corps plus ou moins globuleux avec des yeux disposés latéralement. La queue moyennement longue est pourvue d'une crête dorsale et d'une crête ventrale d'égale hauteur; par ses ondulations elle permet des déplacements plus ou moins longs et rapides.

C'est aussi dans ce groupe que l'on rencontre les espèces carnivores dont l'appareil buccal s'est modifié de manière sensible.

Les têtards vivant en milieu confiné; certaines espèces passent une partie ou la quasi-totalité de leur vie larvaire dans des trous d'eau situés dans les arbres ou entre les feuilles de Broméliacées.

La forme des têtards est alors aplatie et la queue allongée donne à la larve un faciès d'anguille; parallèlement la crête caudale a régressé.

Parmi les familles qui présentent un tel comportement, on peut citer celles des Dendrobatidés et Hylidés.

 

Alimentation...

Tous les têtards n'ont pas la même alimentation, ils sont essentiellement microphages, et chez plusieurs espèces dont Xenopus laevis, ils peuvent même extraire des particules en suspenson ayant 0,1 micron de diamètre.

Beaucoup de larves se nourrissent de bactéries et de microorganismes appartenant au zooplancton (infusoires) ou phyto plancton (algues unicellulaires).

Chez divers MicrohyIidés, Hylidés , Pélobatidés, les particules sont collectées à la surface de l'eau au moyen d'une espèce d'entonnoir buccal dirigé vers le haut.

Les larves de Rana temporaria ou de Bufo bufo, sont végétariens ou détritivores.

Leurs dents dépècent les végétaux et raclent les encroûtements, il en résulte une mise en suspension de particules très fines qui sont avalées par les têtards.

Chez quelques espèces ( Hymenochirus boettgeri par exemple), les larves sont plus souvent macrophages et carnivores, elles se nourrissent de crustacés ou de larves de moustiques.

Elles capturent leurs proies par un mécanisme de succion très efficace, puis les déchiquètent avec leurs mâchoires hypertrophiées qu'animent des muscles masticateurs bien développés.

Le cannibalisme est également observé chez certaines espèces comme les Dendrobates.sp.

Enfin, chose curieuse certaines larves ne se nourrissent pas du tout , comme chez Phrinodon sandersoni, elles vivent de leur réserves vitellines!