Fourmis...
Ordre: Hymenoptera. |
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Malgré la taille minuscule de leur cerveau, les fourmis parviennent à s'orienter dans des milieux complexes. Un modèle pour les robots.
Les fourmis sont capables de suivre des chemins complexes en s'orientant d'après des repères visuels mémorisés auparavant, révèle une étude franco-britanique dont les résultats pourraient trouver des applications dans la conception de robots dotés de systèmes de navigation autonome.
Les chercheurs du laboratoire d'éthologie et de psychologie animale du C.N.R.S. et de l'Université Paul Sabatier, à Toulouse, et de l'Université du Sussex, à Brighton, ont mis en évidence la capacité de la fourmi Cataglyphis cursor de mémoriser plusieurs repères, même peu différents les uns des autres, et de les utiliser comme "panneaux indicateurs". Les scientifiques entraînent les fourmis à retourner efficacement au nid en traversant un labyrinthe constitué de quatre boîtes successives entaillées de deux issues indiquées chacune par un repère visuel noir sur fond blanc, ne différant de l'autre que par sa forme géométrique. Après quelques séances d'entraînement, les fourmis choisissent sans hésiter la séquence de repères pertinents qui les ramènent au nid. Et cela grâce à un cerveau d'un millimètre cube environ, composé, de quelques milliers de neurones.
Dossier BIOsciences N°1,
(Novembre - Janvier 2000)
Deux super-colonies de plusieurs milliards de fourmis ont été repérées dans le Sud de l'Europe. L'une d'entre elles montre une surprenante proximité génétique entre les individus, ce qui explique un comportement peu agressif.
Les fourmis d'Argentine colonisent avec succès le sud de l'Europe, des côtes atlantiques et méditerranéennes d'Espagne et du Portugal à l'Italie en passant par la France. Ces fourmis (Linepithema humile), originaires d'Amérique du Sud, ont commencé, au début du siècle dernier, à envahir le monde en profitant de l'essor des transports de marchandises. Elles forment aujourd'hui en Europe deux supercolonies aux dimensions insoupçonnées, dont une s'étend sur plus de 6000 kilomètres le long du littoral. La colonie rivale,moins importante, est cantonnée en Catalogne (Espagne). En se penchant de plus près sur ces colonies gigantesques, composées de milliards d'individus issus de millions de nids, Laurent Keller (Université de Lausanne) et ses collègues ont été troublés par le côté "pacifique" des insectes observés. Lorsque deux fourmis se rencontrent, l'odeur due aux phéromones (substances de communication chimique) détectée par les antennes leur signale si elle ont affaire à un proche parent ou à un intrus. Dans ce deuxième cas, elles se mettent aussitôt à se battre, souvent jusqu'à la mort. L'examen en laboratoire de fourmis collectées a fourni une explication non moins étonnante: par rapport à leurs congénères d'Amérique du Sud, ces insectes ont diminué leur diversité génétique et n'ont plus que deux variants du gène impliqué dans la sécrétion des phéromones. Ainsi, deux fourmis prélevées sur des sites distants de plusieurs milliers de kilomètres n'ont montré aucun signe d'agressivité, comme si elles provenaient du même nid.
Dossier BIOsciences N°12,
(Août - Octobre 2002)
Les fourmis à longues pattes Anoplolepis gracilipes bouleversent l'écosystème de l'île australienne de Christmas, située au Sud de Java. Introduits accidentellement entre 1915 et 1934, ces insectes sont surveillés depuis 1989 par des chercheurs australiens de l'université de Monash. Leur constat est effrayant: en une quinzaine d'années, les colonies géantes se sont étalées sur un quart de la forêt tropicale de l'île -soit 25km2. Résultat: dix à quinze millions de crabes terrestres rouges ont déjà succombé à l'acide formique projeté par ces envahisseurs. Or, ces crabes sont la clé de l'écosystème local puisqu'ils favorisent la décomposition des débris organiques sur le sol. "Dans les zones infestées par les fourmis, faute de crabes, la quantité de graines a été multipliée par trente et la végétation colonise les étages inférieurs de la forêt", confie Dennis O'Dowd, chef de l'équipe scientifique. De plus, les fourmis élèvent des pucerons en grande quantité pour récolter le miellat qu'ils sécrètent. Répandu sur les branches et les feuilles, le miellat favorise le développement d'une moisissure qui altère la photosynthèse, menaçant les arbres. Toutes les espèces uniques du parc national de l'île sont en danger. Les autorités australiennes ont dû recourir à l'arme ultime: 13 tonnes de Fipronil, un insecticide puissant d'usage très controversé.
N.C., Science et vie N°1035
(Décembre 2003)
La fourmi Wasmannia auropunctata d'origine sud-américaine, couramment appelée fourmi électrique en raison de sa piqûre irritante, a réussi à envahir en trente ans la Nouvelle-Calédonie parce qu'elle fonctionne comme si elle formait une seule et unique colonie.
La force de cet insecte minuscule (l'ouvrière ne mesure que 1,2 millimètre) et extrêmement agressif à l'égard de toute autre espèce tient au caractère étonnamment pacifique vis-à-vis de tous ses congénères, expliquent Jean Chazeau et ses collègues du Laboratoire de zoologie appliquée du centre de l'Institut de Recherche et de Développement de Nouméa.
Signalée en Nouvelle-Calédonie depuis 1972, cette fourmi y a été introduite involontairement par l'homme, probablement sur du matériel végétal destiné à la sylviculture. Disséminée avec des boutures de jeunes arbres, elle a colonisé quasiment tous les milieux écologiques de l'île. Son agressivité a eu des conséquences néfastes sur plusieurs espèces de fourmis locales. Sa présence perturbe les récoltes du café. En outre, ses piqûres très douloureuses peuvent provoquer des lésions oculaires importantes chez les animaux domestiques.
En essayant d'élucider les raisons de la prolifération de cette petite fourmi redoutable, les scientifiques ont constaté que, quel que soit le nid dont elles sont issues, les Wasmannia se reconnaissent et perdent toute forme d'agressivité entre elles. La plupart des autres espèces de fourmis n'acceptent que celle de leur propre nid. Les fourmis électriques pratiquent donc ce que l'on appelle l'"unicolonialité", une des clefs du succès de certaines espèces envahissantes. Elles se reconnaissent grâce à leur odeur. La mise en contact de groupes de fourmis de nids distincts n'engendre pas de comportement agressif. Rapidement, les ouvrières fraternisent et il est vite impossible de distinguer leur origine. En revanche, confrontées à d'autres fourmis, les Wasmannia font preuve d'une agressivité exacerbée qui conduit fréquemment à la mort de leur adversaire.
Dossier BIOsciences N°14,
(Février - Avril 2003)
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Les humains ne sont pas les seuls à connaître des problèmes de trafic liés à une trop forte densité de population. Une étude dirigée par une biologiste française, Audrey Dussutour, montre comment les fourmis gèrent ce problème délicat.
Comme les sociétés humaines, les sociétés d'insectes sont confrontées à des problèmes de circulation et d'embouteillage, qui peuvent par exemple survenir chez les espèces de fourmis formant de grandes colonies, dont l'activité de récolte s'organise à partir d'un réseau de pistes balisées chimiquement.
Pour prévenir la formation d'embouteillages sur ces pistes, les fourmis, montrent deux chercheurs français, un belge et un allemand, dans un article publié dans la revue Nature, ont des règles comportementales grâce auxquelles l'organisation spatiale des flux s'adapte automatiquement du milieu. "Les mécanismes permettant à une colonie de maximiser l'apport de nourriture au nid reposent sur un bon équilibre entre conflit et coopération", explique l'équipe conduite par Audrey Dussutour, du Centre de recherche sur la cognition animale, unité Université Paul Sabatier -Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), à Toulouse.
La piste chimique des phéromones
La plupart des organismes vivants en groupe sont soumis à des phénomènes d'interattraction, indispensables au maintien de a cohésion du groupe, mais qui peuvent être préjudiciables si la concentration d'individus dans un endroit donné devient trop importante. A l'extrême, une densité trop élevée peut conduire à une paralysie totale. Celle-ci est évitée si des mécanismes de dispersion entrent en action, à l'exemple de ce que l'on constate avec l'espèce humaine, dans les déplacements collectifs de piétons.
Les fourmis se déplacent bien souvent le long de pistes bien définies. A l'origine de ces pistes se trouve une trace chimique -une phéromone- déposée par une ouvrière exploratrice revenant à son nid après avoir découvert une source de nourriture. Cette phéromone permet de recruter d'autres ouvrières qui vont emprunter la piste pour se rendre à la source de nourriture, et la renforcer leur de leur trajet retour. Ces pistes sont l'équivalent des sentiers que les animaux, y compris l'homme, génèrent involontairement en se déplaçant. Lorsque les fourmis ont la possibilité d'emprunter différents chemins, on observe, à faible densité, qu'un seul chemin est majoritairement emprunté par les fourmis.
En laboratoire, les chercheurs ont fait emprunter aux fourmis un pont en losange qui offre le choix entre deux branches d'égale longueur pour atteindre une source de nourriture. Au début, chacune des branches est utilisée. Cependant, les différences de concentration de phéromone apparaissant initialement entre les deux branches sont rapidement amplifiées, du fait que les fourmis recrutées choisissent la piste la plus concentrée et la renforcent à leur tour.
Un trafic parfaitement maîtrisé
Cela aboutit à la sélection d'une branche, donc à un trafic asymétrique. Mais les chercheurs ont constaté que, lorsque la densité des fourmis atteignait un certain seuil, on assistait à un "changement brutal de l'organisation de trafic". Les fourmis se répartissent également sur les deux branches du pont, ce qui se traduit par un trafic symétrique.
L'équipe de recherche a réussi à identifier les mécanismes qui permettent le basculement vers un trafic symétrique en utilisant une approche conjointe, associant l'étude éthologique fine du comportement des fourmis à la modélisation mathématique.
Les calculs montrent que "le basculement vers un trafic symétrique se produit à un seuil critique de la densité au-delà duquel la réduction dans la vitesse de déplacement n'est plus compensée par les avantages liés à l'utilisation d'une seule branche (concentration plus importante de la phéromone, donc plus grande stimulation et meilleure orientation des fourmis)".
"Ce travail, concluent les scientifiques, met en évidence un fonctionnement largement répandu dans les systèmes biologiques dans lesquels il n'est pas rare qu'une activité à caractère amplifiant soit à l'origine de sa propre régulation".
Les fourmis, succès de l'évolution Apparues voici 100 millions d'années, les fourmis sont des insectes appartenant à l'ordre des Hyménoptères, où l'on retrouve aussi les abeilles et les guêpes. Environ 10 000 espèces de fourmis sont aujourd'hui connues. Il y a à peu près 180 espèces de fourmis connues en France. Au sein de cette grande famille, on distingue deux grandes branches: les ponéroïdes (avec les sous-familles des Myrmicinae, des Ponerinae, etc.) et les formicoïdes (avec les sous-familles des Formicinae, des Dolichoderinae, etc.). A l'exception des zones arctiques, les fourmis sont parvenues à coloniser toutes les terres connues. |
Dossier BIOsciences N°19,
(Mai - Juillet 2004)
/ Référence: Nature, vol.428, p.70 (4 mars 2004).