RANA temporaria

 

Classe: Amphibia - Amphibiens.

Ordre: Anura - Anoures.

Sous ordre: Neobatrachia - Néobatraciens.

Famille: Ranidae - Ranidés, Grenouilles vraies.

Genre: Rana.

Espèce: temporaria.

Nom vernaculaire: Grenouille rousse.

Nom scientifique: Rana temporaria.

 

 

Photo.G.Hascoët

 

 

 

Jolie grenouille, à l'iris doré, observée dans le Var, présente dans toute l'Europe -hormis l'extrême sud- et l'Asie.

 

Aux trousses de la rousse

Altitude: 2600 mètres. (...) Claude Miaud, biologiste, est venu relâcher des spécimens kidnappés quelques jours auparavant; et aussi déverser dans une mare des seaux d'oeufs pondus en laboratoire.

"En juin, c'est la période des amours, une période propice à la capture, car l'amphibien se reproduit dans l'eau", s'enthousiasme le quadragénaire. Plutôt que de courser des grenouilles bondissantes dans l'herbe, il n'a qu'à s'agenouiller au bord de l'eau pour les "cueillir". "Elles pondent sur des zones humides: dans des trous faits par des sangliers ou des sabots de vache. De toute façon, où il y a de l'eau, il y a de la grenouille." La récolte dure trois semaines, au moment où les dernières neiges fondent et où l'eau dépasse le zéro degré. Une fois capturée, la grenouille passe sur le billard se faire injecter une micro-puce magnétique dans la patte ou le doigt. "Un marquage qui permet de surveiller le taux de survie des animaux", précise le biologiste.

Montagnardes. Particularité de la Temporia: dès qu'elle a pondu, elle vit sa vie loin des points d'eau. L'été dernier, deux étudiants du labo ont pisté une vingtaine de rousses auxquelles on avait préalablement placé un émetteur dans le ventre; ils ont relevé les positions des sauteuses: "Certaines se sont baladées sur 500 mètres de dénivelé." Cette année, les survivantes sont revenues pondre au même endroit. "Il y en a même ne qui a emprunté un chemin identique et fait une halte dans la même terrier, à l'aller et au retour".

Claude Miaud et son équipe du laboratoire de biologie des populations d'altitude, partagé entre Le Bourget-du-Lac et Grenoble (où l'équipe est spécialisée dans l'étude de l'ADN), étudient trois populations distinctes: les rousses de plaine, qui vivent à 300 mètres d'altitude, celles qui évoluent à 1 500 mètres et, enfin, les montagnardes du Galibier à 2 500 mètres. Entre elles, une multitude de différences que le scientifique s'emploie à expliquer. Quelques exemples: une grenouille de plaine atteint sa majorité sexuelle à 2 ans, une grenouille d'altitude attend quatre à cinq ans avant de forniquer. A 2 500 mètres, la batracien vit dix ans, en bas, six ans seulement. Dans les montagnes, les femelles sont plus costaudes, leurs oeufs aussi; en plaine, elles pondent plus. "Ces différences sont-elles dues à l'environnement ou bien sont-elles fixées génétiquement ?" s'interroge le chercheur. "En utilisant la génétique, nous cherchons à comprendre les mécanismes d'évolution de cette espèce." Lui et ses congénères ont découvert que la vitesse de l'évolution embryonnaire est fixée génétiquement. Les oeufs des rousses d'altitude se développent cinq fois plus vite que ceux de leurs semblables de plaine. Même descendus en plaine, les oeufs continuent à grandir plus vite, ce qui laisse à penser que les conditions environnementales jouent un rôle moindre dans la croissance.

Une autre étude tente de démontrer que les directions de migration des rousses sont également prédéterminées. Sur le lac d'Aiguebelette - à presque 400 mètres-, deux populations de rousses ne se rencontrent jamais, l'une vivant sur les berges nord, l'autre au sud. Quand les parents sont au nord, ils migrent vers le nord, leur descendance aussi. Au sud, les parents migrent vers le sud, et leurs enfants vers le sud-ouest. Pour savoir si la direction de migration est fixée génétiquement, le labo a croisé des mâles du nord avec des femelles du sud, et fait évoluer les rejetons dans une enceinte d'orientation. Verdict: aucune direction de migration n'est privilégiée, comme si les croisés étaient déboussolés.

Laure Noualhat,

Libération, le 31 juillet 2002.